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04/10/2006

Formation féministe

 Dans le cadre du projet form’action-rhône-alpes la formation sur le module 'féminisme' était animée la matinée par Monique Crinon, Ismahane Chouder et Saïda Kada. L’après midi, les participants ont pu débattre davantage des questions posées dans des ateliers de réflexion répartis sur plusieurs sujets.


Monique Crinon

Monique Crinon est intervenue pour mettre en exergue les racines historiques du(es) féminisme(s). Une tache qu’elle annonce ardue vue que les dominés, tels que les esclaves, les femmes, n’ont pas d’histoire. Celle-ci est tracée par les dominants (en l’occurrence ici les hommes).

Pour comprendre le mouvement féministe, ou du moins ce qui y semble contradictoire, il est nécessaire de le rattacher au contexte historique.

Le débat des femmes est un débat d’êtres pensants qui peuvent être en accord comme en désaccord, un débats qui reproduit les débats respectifs de leurs sociétés (croyante ou non, musulmane, sioniste, …). Ce sont des débats internes qui restent dans la sphère politique et non pas émotionnelle. On ne peut ainsi juger un mouvement en perpétuelle interaction avec son contexte comme s’il évoluait dans une sphère isolée, il faut le voir à travers le miroir de la société.

On peut se poser la question de la place de la Femme et de son invisibilité : Est-ce naturel ou pas ? Ceci constitue la première question de remise en cause du système. En effet, pour les dominées, il est difficile de contester ce qui à terme se perçoit comme tout à fait naturel.

Le constat fondateur qui légitime le mouvement est que la division des rôles faite autour du sexe a relégué la femme dans une place inférieur en terme financier, symbolique et humain.

«Est-ce que la différence sexuelle, biologique doit nécessairement impliquer une différence des rôles ?» s'interroge l'intervenante. Avant la naissance du féminisme, n’y avait-il rien ? 

Dans l’histoire, il y a eu toujours des femmes qui ont surgis de la place où on voulait les mettre. Et ceci de deux façon : de l’extérieur de la religion comme de l’intérieur. Deux champs, religieux et non religieux, on servit comme socle de résistance. Des exemples sont cités :

Hildegarde de Bingen : Dame du 12ème siècle internée dès l’âge de huit ans dans le couvent. Elle y est restée jusqu’à l’age de 88 ans. Sa retraite de la société, où les pressions sociales ne permettaient pas aux femmes de faire preuve d’ingéniosité, lui a permis de se libérer. Le milieu religieux fermé fût ici un rempart qui permit à cette femme d’évoluer à l’abri d’une société qui l’aurait aplati.

Les « recluses » : une communauté religieuse qui s’inspire de Jeanne Le Ber (1662-1714)  dite « la recluse » car vécut en réclusion totale.




journée de formation "féminisme"

Les « béguines » femmes de foi, n’ayant pas fait de vœux de chasteté, qui vivent généralement en communauté autonome en dehors du couvent. Le mouvement remonte au moyen age et n’a pas été accepté par l’Eglise car perçu comme concurrent. Certaines fondatrices ont été brûlées de ce faite. Ces femmes avaient développé des pratiques en matière de soins et comptent peut être parmi elles les premières sages femmes. Il est peut être trop tôt à cette époque de parler de résistance. C’est plutôt une posture d’affirmation.

De l’extérieur du champs religieux, « les sorcières », grandes dames persécutées par l’Eglise, comptent des milliers de brûlées car héritières d’un savoir médicale (médecine des plantes) en un moment où on ne pouvait pas touché au corps humain. Leurs activités s’articulaient autour du social (maternité, …).

A partir de quel moment, peut-on parler de féminisme ? A partir de quel moment il devient un réel mouvement et non pas une exception dans la société ?

C’est avec le développement de l’industrie que l’on a vu apparaître le féminisme. On peut souligner les Saint-simoniennes  (1830) comme exemple : Elles luttaient pour une égalité dans les rapports sociaux. Elles occupaient essentiellement le champ politique dans le cadre de la lutte ouvrière. Elles étaient présentes dans les manifestations et dans les rues, mais toujours sous tutelle masculine. On peut citer Flora Tristan, Louise Michel, les suffragettes,  nom donné aux femmes qui luttaient pour le droit de vote, et bien d’autres.

En 1850 la Loi Falloux est votée : Elle statue le caractère obligatoire de l’école pour les filles dans les communes de plus de 800 habitants. C’est donc un début du droit d’accès au savoir.

Etre féministe c’est « identifier l’oppression faite aux femmes comme de type patriarcal » ou encore « dire que ce que vivent les femmes résulte d’un système de domination patriarcal. » Le patriarcat traverse tous les systèmes de pensée et épouse plusieurs formes, de ce faite il est présent dans toutes les couches sociales et dans tous les domaines. Le terme « féminisme » est apparu lorsque la lutte des femmes a investi le champ politique. « Investir l’espace politique c’est se donner les moyens d’agir. »

Deux tendances féministes (voir aussi cette page de discussion) sont distinguées : les essentialistes soutenant qu’il y a une différence essentielle entre l’homme et la femme ; et les existentialistes (ou radicales) soutenant que cette différence n’est que le résultat d’une histoire et de ce fait elle ne peut être le socle d’un statut social différent pour les femmes.

Le féminisme moderne se concentre sur différents problèmes : Que ce soit la lutte contre le système patriarcal que l’on retrouve dans toutes les sphères (cf.  Simone de Beauvoir) ou l’oppression au sein de la famille.

La définition de la liberté et de l’émancipation chez les féministes ne peut être dogmatique dans le sens où elle privilégierait exclusivement un modèle de liberté associé à l’occident plutôt qu’un autre. Il faut, dit-elle, « faire attention au système de domination qu’on véhicule lorsqu’on en combat un autre. »


Ismahane Chouder

Ismahane Chouder qui intervient sur le thème « femmes et religions » marque un arrêt pour préciser certains éléments de base.

  • Le patriarcat n’a pas de fondements théologiques ou théoriques, tout en reconnaissant que celui-ci a souvent été pratiqué dans l’histoire au nom des religions. « On ne peut mettre en avant la religion comme vecteur de l’oppression des femmes, auquel cas, dans les sociétés ayant évacué le religieux, les droits des femmes seraient choses acquises. »

  • « Je fonde ma démarche féministe sur le faite qu’on ne peut résumé la question (de l’oppression des femmes) à la cause religieuse. » dit-elle. Elle distingue de ce fait « religion » et « systèmes religieux » pour dire que ces systèmes ont souvent relayé l’oppression masculine à travers l’histoire.

  • Il n’y a pas d’hiérarchie d’oppression liée à la civilisation, l’ère ou la race. C'est-à-dire qu’une oppression faite dans une société occidentale ne serait pas plus acceptable qu’une oppression semblable faite dans une société musulmane par exemple. Ni qu’une oppression faite par un blanc serait plus tolérable qu’une oppression dont l’auteur serait noir. Ou encore qu’une oppression faite par un cadre riche serait plus civilisée qu’une autre faite par un ouvrier pauvre.



Un débat riche et ouvert

Du coté des musulmans il est important de mettre en place une grille de perception qui distingue trois choses : Les textes, les lectures, les pratiques. Souvent, les systèmes religieux se sont octroyés le droit exclusif d’interpréter les textes et ont consacré une réalité où la femme serait inférieure par décret divin.

Le féminisme musulman est un féminisme qui revendique une justice pour les femmes en même temps qu’une justice pour la société entière faite de femmes et d’hommes. Il ne se reconnaît pas de ce faite dans un féminisme « revanchard » (dénoncé notamment par Élisabeth Badinter) qui œuvre pour des droits de la femme au détriment de la condition masculine. On reconnaît une telle orientation chez des associations de femmes musulmanes qui réduisent les jeunes des quartiers à un statut de triple V : « Voileur, Voleur et Violeur ».

L’intervenante conclut sur la nécessite de reconnaître autant de stratégies d’émancipations qu’il y a de femmes et de champs de culture. Le féminisme musulman qui aura besoin dans un premier temps de s’identifier en tant que tel est un début vers un féminisme au-delà des particularités.


Saïda Kada

Saïda Kada est intervenue sous le thème « les héritières de l’immigration coloniale » sur la condition des femmes musulmanes ‘issues de l’immigration’ vis-à-vis des mouvements féministes qui évoluaient en France. C’est une histoire de regard dit-elle. Au moment où l’on regardait la femme européenne à travers le miroir de la liberté et de l’émancipation, les femmes d’ailleurs (Maghreb entre autres) étaient vues à travers le miroir de l’orientalisme.

Ces femmes d’ici et d’ailleurs se trouvent partager aujourd’hui le même espace.

A l’arrivée des immigrés le débat semblait être clos avant même qu’il ne commence. Ces femmes étaient perçues comme incapables de penser la liberté.

A l’intérieur de la sphère musulmane les choses ne sont pas plus simples. Le travail des femmes de foi musulmanes semble plafonné au statut d’épouses. C’est un rôle auquel le fiqh (jurisprudence musulmane) dominant à réduit la femme musulmane et qui en fin de compte semble plus « une histoire d’homme, écrite par des hommes, pour les hommes. » La plupart des écrits sont centrés sur la fonction de la femme plutôt que sur l’individu lui-même ou ses sentiments.

De ce fait, en France, au moment où dans certaines associations les musulmans hommes pensent déjà à une perspective de parti politique, les sœurs elles sont toujours et depuis plus d’une décennie cloîtrées dans leurs préoccupations domestiques même lorsqu’elles se constituent en association pour fonder un travail collectif.



Une ambiance conviviale

Lorsque ce genre d’interrogation, perçues comme choquantes, est émis par des femmes, celles-ci sont « renvoyées vers le blasphème. » Force est de constater qu’on a longtemps divinisé des produits de déductions humaines, en l’occurrence la tradition juridique accumulée depuis des siècles. Force est de constater aussi que les fatwas au niveau de l’Europe ont beaucoup évolué en fonction du contexte et de la présence des musulmans dans ce contexte. Cependant, la jurisprudence des femmes n’a pas bougé d’un iota « comme s’il y avait eu un arrêt sur image. »

On a transformé notre islam à une sorte de fable, de mythe, dit l’intervenante. On a tendance à se contenter de reprendre les histoires des compagnons et des compagnes sans que cela nous suggère d’exister sur le terrain.

Pour finir, Saïda Kada affirme qu’elle ne se revendique pas du féminisme. La question pour elle est d’abord de savoir ce qu’on apporte pour les femmes sur le terrain plutôt que de se revendiquer d’une doctrine ou une autre.

14:15 Publié dans Articles | Lien permanent | Commentaires (0)

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